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LE
BARDE MANU
LANN-HUEL L'homme
est insaisissable. Et pourtant si terrien. Barde ancré dans sa culture, sa région,
la Bretagne, «presque une île». Un
artiste inclassable, moitié rock, moitié folk. Gitan, même si ça le chante.
A 49 ans, Manu Lann-Huel est de la race de ces résistants qui
inlassablement, tracent leur chemin en toute liberté. Et qui perpétuent, sans
esbroufe un esprit, une tradition, une langue. Le Breton, évidemment, partagé
par ses aïeux, sa famille, le milieu ouvrier dont il est issu. Aujourd'hui,
Manu veut garder le lien vivant. Il continue envers et contre tout à le parier
avec les vieux de l'intérieur des terres. Comme au Juch, bourgade près de
Douarnenez, où il est né. Au
fil d'une carrière indépendante, l'auteur-compositeur-interprète aura su
manier la parole, magnifier le quotidien le plus élémentaire pour le porter à
l'universel. C'est tout l'art du poète, la planète de Manu Lann-Huel se
peuple d'imaginaire. Celui de la Basse Bretagne et de ses légendes.
Intarissable, il vous contera par exemple l'histoire de ces deux amants, Jean le
Barde et Jeanne, Fille du peuple, surpris ensemble par le druide sur la lande.
Ils seront l'un et l'autre transformés en menhir.... 7000 ans plus tard, le
troubadour moderne en fera une chanson "Les Amants de Pierre". «C'est
à nous d'embellir ces légendes. Nous aurons toujours besoin de rêve, et il ne
peut provenir que de ces histoires là. On ne peut rêver le futur qu'en puisant
dans le passé. Plonger dans ses racines, même imaginaires, pour se projeter
dans un avenir intérieur». C'est donc en toute logique que Manu Lann-Huel
salue aussi ses pairs, les poètes bretonnants. Il se nourrit des textes d’Anatole
le Braz, ou de Pierre-Jakez Hélias dont il était l'ami. Surtout il
met en musique René-Guy Cadou, qui trouve ici son écho mélodique. Dès
1984, il adapte le poète dans une création originale, "La fleur rouge",
pour Les Tombées de la Nuit de Rennes. Sa
façon de le servir et de le valoriser viennent donner une nouvelle dimension ,
internationale, à leur Bretagne. Qu'il chante ses propres textes ou les leurs,
la mer reste la grande inspiratrice. La
mer et ses îles, de Sein ou de Molène. Ses marins et leurs femmes qui toujours
les attendent. A
Brest, dans l'atelier musique de sa maison à flanc de falaise, Manu compose à
la guitare et au piano. Images
musicales fortes qu'il aime puiser à toutes ses sources d'inspiration. Celtes,
bien sûr ( il connaît sur le bout des doigts les auteurs irlandais et écossais
comme Kenneth White) mais aussi classique, espagnole, balkanique, sud-américaine,
jazz. Chez lui, on écoute aussi bien du Paco
Ibanez que du tango, les chansons du chilien Atahualpa Yupanqui que
les mélopées tsiganes... qu'il reprendra à son compte bien avant que ce ne
soit dans l'air du temps. Aujourd'hui, sa
voix douce et éraillée le mène sur les pas du grand Léo Ferré. Dans
son dernier album Ile-Elle, Manu
Lann-Huel reprend un monumental classique de Ferré, La mémoire et la
mer. Avec ces Deux mots là, tout est dit. Pascale Hamon
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